Loi El Khomri : faciliter les licenciements peut favoriser l'emploi

Cette formulation – ou une autre équivalente – a souvent été citée par des journalistes qui ne la trouvaient pas très intelligible. Je ne dis pas qu’elle se trouve telle quelle dans le projet de loi, mais qu’elle a été souvent répétée dans les medias et donc entendue/vue par des millions de personnes.

Cette formulation a valeur de slogan accrocheur certes. Mais alors que « travailler plus pour gagner plus » était une affirmation triviale, et inconsistante, celle-ci ressemble à un paradoxe. En effet licenciement et embauche (ou accès à l’emploi) sont antinomiques et dire, sans plus de précision, que le licenciement favorise l’emploi est une antilogie.
Olivier Morel, dans un article du 06/01/12 « Royaume-Uni : faciliter le licenciement pour encourager l’embauche » (cf. http://www.lemondedudroit.fr/decryptages-profession-juriste/159858-royaume-uni-faciliter-le-licenciement-pour-encourager-lembauche.html) écrit : « deux propositions entreront en vigueur courant avril 2012 pour fluidifier le droit social anglais : faciliter le licenciement pour encourager l’embauche et freiner les recours abusifs aux Prud’hommes. (…) une proposition destinée à faciliter la vie des entrepreneurs entrera en vigueur le 6 avril 2012. (…) les Britanniques ont déjà mis à l’épreuve l'“équation vertueuse paradoxale” : facilité de licenciement = embauche sans arrière-pensée . Si le nouveau contrat signé par une PME avec un client important ne tient pas ses promesses, ou si le salarié embauché ne correspond finalement pas au poste, elle peut se séparer de son nouveau collaborateur à moindre frais . La PME peut donc embaucher sans craindre d’être dans l’impossibilité de licencier. ». On laisse au lecteur le soin d’analyser les expressions que j’ai mises en italiques : il y a donc au moins un précédent et l’on voit quelle est la finalité de ces dispositions prises au R.U.
Je n’avance pas d’argument économique, par incompétence, ni ne juge les entreprises qui ont sans doute de réelles difficultés, mais on peut constater que cette formulation ne relève pas d’un paradoxe fécond ou « vertueux », mais d’un tour de passe-passe manipulateur. La suite est masquée et une façon de rendre cette affirmation acceptable rationnellement, sinon socialement et politiquement, consisterait à la compléter : faciliter le licenciement peut favoriser l’embauche de personnes que l’on peut facilement licencier. Corollaire : pour faire fléchir la courbe du chômage, il suffit de faire le sondage au bon moment, après le recrutement de personnels précaires et avant leur licenciement.

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