La liberté d'expression

LCP a diffusé à 21h le 07/01/16 « C’est dur d’être aimé par des cons », film documentaire français réalisé par Daniel Leconte sorti en 2008 et narrant le procès intenté en 2007 contre Charlie Hebdo, après la publication par ce journal des caricatures danoises de Mahomet qui avaient suscité la polémique en 2005. Le titre du film reproduit la phrase que prononce Mahomet dans le dessin de Cabu en une de Charlie Hebdo. La rédaction du journal est relaxée, y compris en appel.

Victoire de la cause de la liberté d’expression ? Huit ans plus tard, on ne verra plus des visages qui apparaissent dans le film : Cabu, Wolinski… ne s’exprimeront plus et ce silence définitif est terrible. Où est la victoire ?
Le 7 janvier 2015 n’est pas qu’une vengeance contre cette décision judiciaire, car si Charlie avait perdu le procès, cela aurait probablement satisfait les plaignants, mais cela n’aurait certainement pas empêché, à mon avis, l’attentat perpétré par des intégristes pour qui la justice séculière n’a aucune valeur : ses décisions, même favorables, n’auraient pas effacé ce qu’ils considèrent comme un blasphème ineffaçable.
Alors ?
On attribue à P. Desproges l’opinion suivante : “On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui”. Il convient d’aller voir http://www.mortaurire.org/node/27 pour les termes exacts et le contexte précis, mais je me permets une autre interprétation, ce qui est une forme de la liberté d’expression et d’opinion dans la mesure où elle n’est pas malveillante. « On peut rire de tout » : on peut être d’accord sur le principe, en voyant bien que cette liberté a été acquise historiquement (comme la liberté d’opinion) et que ce n’est pas un a priori. Ensuite, ce principe doit être contextualisé : « pas avec n’importe qui » signifie à mon sens qu’il faut faire attention au destinataire ; il faudrait ajouter aussi « pas n’importe où, ni n’importe quand » : on ne va pas faire de l’humour quand on suit l’enterrement de quelqu’un. Ce n’est pas censure, mais respect d’un jeu social.
La liberté d’expression comporte des risques, surtout quand elle est publique. C’est peut-être son prix, mais dans notre pays (et d’autres) cela ne va pas plus loin que le procès, c’est-à-dire la forme rationnelle de la controverse juridique qui expose les points de vue des parties et où on peut comprendre (sinon accepter) les arguments de part et d’autre. Mais face à l’irrationnel, les arguments sont inutiles et vouloir faire de l’humour à l’encontre de positions irrationnelles ne sert à rien et surtout est dangereux. Là, les risques sont extrêmes, on l’a vu et mieux vaut les éviter. Il ne s’agit pas de lâcheté, mais de prudence rationnelle élémentaire.
Il y a eu d’autres terrorismes, mais certains visaient, par de mauvais moyens, un idéal humain : ils étaient rationnels. Les totalitarismes modernes étaient monstrueux et rationnels. Le terrorisme à tendance totalitaire auquel on a affaire est destructeur et auto-destructeur : il s’en prend à l’humain globalement, même dans son camp. Il est monstrueux et irrationnel. Le combat de fond sera dans le développement, la diffusion des cultures et de l’esprit crititique.

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