L'In-dit
Tout poème est délimité par son premier mot et son dernier mot, mais l’espace-temps silencieux du poème commence avant lui, se concrétise en mots et se continue après sans qu’on puisse assigner de limites (origine/fin) à cet espace-temps. On pourrait concevoir qu’un texte est un passage-fragment reliant non pas deux parties de textes réalisées quelles qu’elles soient, mais les deux phases de la création : résultatif du parcours de l’auteur en amont et, en aval, inchoatif du parcours du lecteur-interprète. Le parcours amont appartient au silence, celui de l’in-dit, et c’est à ce silence que, via le texte qui signe ce silence dans l’expression, va essayer d’accéder l’interprète pour tenter de le mettre en mots et/ou le laisser résonner en lui. Surgi du blanc, le texte y retourne et le silence amont se retrouve en aval, même et autre, lieu de l’interprétation et/ou du recueillement. Les silences interieurs (blancs, alinéa) font aussi partie du poème, un peu comme en musique : ce sont des espaces-temps transitionnels où le vers proféré s’achève en résonances et où le vers suivant prend son essor. L’in-dit n’est donc pas le non-dit ni le pas dit; il n’est pas le tu (taire) volontairement et que l’on aurait pu dire - cela est une autre figure : le caché ou dissimulé. Le caché volontaire n’est pas moins narcissique que l’étalement complaisant (ou incontinence); l’in-dit n’est pas le manquant (à rétablir…), mais le fond présumé sur lequel s’enlève le dit (production) comme figure et ce rapport fond-forme est intrinsèque à la création; sur cet in-dit vers lequel fait signe le texte, notamment, se développera l’interprétation du tu (toi) instauré par le je auteur. L’interprétation deviendra-t-elle à son tour une figure instituant le dit préalable comme fond etc.? La force/présence de l’in-dit semble plus particulièrement remarquable dans l’écriture concise. En outre ce néologisme fait un bienvenu écho au fameux indicible.